Quelques balles bien plombées…

A l’occasion de la commémoration des exécutions sommaires de Garzonval, la journaliste Charlotte Perry de France Inter a bien voulu s’intéresser dans l’émission « comme un bruit qui court » du 20 septembre 2014 à Joli mois de mai 1944. Un livre qui continue ostensiblement a déranger certaines associations résistantes habituées a réciter le chapelet d’une histoire idéalisée selon les canons communistes, histoire dans laquelle en particulier le pacte germano-soviétique n’a jamais existé. Nous pourrions passer un temps prohibitivement long à rectifier les inexactitudes, les erreurs d’interprétation, les désinformations dites dans cette émission. Et surtout à aborder les sujets que ces associations aimeraient qu’on évite. Nous nous contenterons de quelques remarques sur quelques aspects originaux.

Nous féliciterons tout d’abord Charlotte Perry de s’intéresser à la langue bretonne au point de pouvoir traduire la guerse de François Le Gall, Maleuriou ar vro. Mais avant de vous investir dans l’apprentissage de la langue bretonne, ne pourriez-vous, Charlotte, réviser votre français ? Vous retenez de mon livre que j’aurais affirmé que « tous les résistants étaient des assassins ». Non, Charlotte, j’ai démontré, pas affirmé, que des résistants et non pas les résistants ont assassiné. En français aussi et pas seulement en breton, l’article défini et l’article indéfini ont un sens différent.

Croizer Jean-LouisJean-Louis Croizer, dit « Croizer bras », maire de Glomel, assassiné le 22 mai 1944 par le Parti communiste français sous prétexte de « résistance » à son ancien complice nazi dans le cadre du pacte germano-soviétique qui déclencha la Seconde Guerre mondiale (collection particulière / Droits réservés)


Vous savez bien que j’ai coopéré pour Joli mois de mai 1944 avec des résistants qui sont loin d’être des assassins et qui ont même protégé leurs compatriotes de l’action d’autres résistants. Je pense plus particulièrement au résistant qui a écrit les trente premières pages de Joli mois de mai 1944, tout autant FTP (franc-tireur partisan) que ceux que vous avez rencontrés à Garzonval. Cet ancien résistant fut menacé à plusieurs reprises de représailles définitives par quelques-uns de ses anciens camarades, parfois par des appels téléphoniques anonymes en pleine nuit. Ce qui ne l’a bien évidemment pas dissuadé de persévérer. Mais voila, j’ai poursuivi son travail, Joli mois de mai 1944 est paru et je lui témoigne ici mon respect et ma reconnaissance.

En sus de la grammaire, soyons aussi attentifs au vocabulaire, Charlotte. Selon vous mon livre « salit la mémoire des sept martyrs de Garzonval ». Est-ce qu’on salit quand on présente des faits avérés et irréfutables ou est-ce qu’on blanchit quand on les occulte ? Vous pouvez affirmer que je n’ai pas blanchi.

Prenons l’exemple de Jean-Louis Corbel, un des « martyrs » de Garzonval, dont je décris dans Joli mois de mai 1944 sa participation dans l’assassinat le 22 mai 1944 du maire de Glomel Jean Croizer dit Croizer Bras. Mensonges ? Brigitte Jacob peut elle-même aller consulter le dossier de la procédure du complice de Jean-Louis Corbel, Joseph Masson, au Dépôt central d’archives de la justice militaire (54, rue de la Guignière – BP 214 – 36300 Le Blanc – Téléphone : + 33 2 54 37 48 55). Je suis le premier à avoir consulté ce dossier et l’autorisation d’accès lui sera vraisemblablement accordée autant qu’à moi-même. De plus, un témoignage obtenu après la parution de Joli mois de mai 1944 corrobore les éléments trouvés dans ce dossier : il indique que Masson et Corbel se sont invités dans une ferme des environs de Glomel, se sont fait servir à manger et ont, tout de go, en exhibant leurs armes, déclaré le but de leur mission à leurs hôtes obligés.

Et un autre nouveau témoignage indique que Jean Croizer n’était pas la seule victime potentielle des deux comparses. Mais fort heureusement cette autre mission n’a pas été menée à bien. La fin de Jean-Louis Corbel à Garzonval est bien évidemment regrettable, même pour un assassin, mais il faut apprécier globalement son parcours et ne surtout pas oublier, au titre du devoir de mémoire, le rôle de l’organisation politique qui a armé cet individu et lui a donné des ordres d’exécution oraux. Dans la mesure où Jean-Louis Corbel n’a jamais inquiété le moindre Allemand, et ne s’en est jamais pris qu’à ses compatriotes bretons, il est abusif de lui reconnaitre la qualité de résistant et même celle de « martyr’, qui suppose qu’on s’engage en acceptant le risque suprême dans une cause juste.

70 ans après les événements, la mémoire interdite commence à se libérer et les archives commencent à s’ouvrir. Le dégel de la mémoire est en marche et les émissions de France Inter ne pourront enrayer ce phénomène.


Il a bien existé une criminalité résistante ou une Résistance criminelle. Les témoins interviewés par la journaliste de France Inter se sont indignés de ce que j’en fasse état, mais, en exprimant le regret que je ne me sois retrouvé avec quelques balles bien plombées qui [m]’auraient empêche de nuire par la suite…, l’un d’entre eux a on ne peut mieux mis en évidence les pulsions criminelles et l’instinct meurtrier de cette criminalité résistante. Mais pourquoi n’est-il donc pas passé à l’acte avant la parution de Joli mois de mai 1944 ? Parce que ce guerrier redoutable n’a rien vu venir. Et pourquoi ne passera-t-il pas à l’acte après la parution de Joli mois de mai 1944 ? Parce que ce fanfaron aimerait que quelqu’un d’autre que lui le fasse, ce qui l’en dispenserait alors. Mais ce ne sont pas ses camarades de commémoration, aussi téméraires que lui, qui vont se dévouer à sa place. Pour être moi-même fils de résistant, je sais assez bien repérer le profil de résistant qui a surtout entamé une carrière de porte-drapeaux après la Libération.

Non seulement le fier-à-bras n’a pas anticipé la sortie de Joli mois de mai 1944, mais anticipe-t-il la sortie de mon prochain livre sur la même période de notre histoire en Bretagne ? J’en doute fort. Et pourtant, en réutilisant le vocabulaire de ce matamore, ce prochain livre va « nuire » encore plus que Joli mois de mai 1944. Beaucoup reste à dire sur le sujet et je reviendrai en particulier sur les événements de Garzonval.

N’hésitez pas, Charlotte, à avertir cet individu que vous n’avez pas nommé dans votre émission. Vous pourrez alors constater ce en quoi consiste la réalité de ses menaces. Ne craignez donc pas, Charlotte, que je termine dans un fossé… Comme partout ailleurs en Bretagne, J’irai à Garzonval quand bon me semblera.

Yves Mervin

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La Pie en Paule, 29 juillet 2010, commémoration de la « bataille » du 29 juillet 1944 à La Pie en Paule (Photo Yves Mervin). Charlotte reconnaitra sur la photo certains de ses témoins de Garzonval ainsi que… Françoise et André. L’intérêt de participer à cette commémoration ne tenait pas aux litanies et au discours hermétique de l’ANACR mais à l’opportunité d’approcher et de jauger l’individu qui transmit à Masson et à Corbel l’ordre du Parti communiste d’assassiner le maire de Glomel, Jean Croizer.