Ayez une pensée pour les roberrettes !

Albert Algoud, humoriste sur France Inter, nous invite à avoir une pensée pour Eugénie-Malika Djendi, de se souvenir de l’engagement de cette jeune femme héroïque et son engagement courageux … trop rarement évoqué voire passé sous silence alors que leur combat pour vaincre le nazisme fut très important.

Eugénie-Malika Djendi et ses camarades étaient des merlinettes, soient des employées du général Lucien Merlin en Afrique du Nord à partir de 1941.  D’abord opératrices radio, certaines de ces merlinettes se sont engagées au sein du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action, soit les services secrets de la France libre).

Paul Paillole qui a proposé des missions de renseignements aux jeunes filles, sans leur cacher  l’extrême danger des missions à effectuer (elles étaient donc parfaitement averties et seules responsables des conséquences de leur choix ?),  déclarera : J’ai été le chef de ces valeureuses filles. Je les ai connues, encouragées, admirées et pleurées. Si ce n’est que dans son livre de souvenirs[1], il ne parle pas des merlinettes et n’explique pas comment le contre-espionnage allemand a pu intercepter Eugénie-Malika Djendi à peine deux jours après son parachutage. Albert Algoud nous donnera-t-il plus d’explications sur l’envoi de ces jeunes femmes dans des missions suicide ?

Ce qui ressemble fort aux déboires du Special Operations Executive (SOE) britanniques dont les sections F (France) et N (Nederlands) ont envoyé des dizaines d’agents directement dès l’atterrissage dans les griffes de l’Abwehr (service de renseignement de l’armée allemande) ou du Sicherheitsdienst (service de sécurité allemand), faute d’avoir respecté des règles élémentaires de sécurité.

Je n’ai pas de raisons particulières de vous parler des merlinettes, si ce n’est que je trouve bizarre d’illustrer ce sujet par une photographie des roberrettes avec la légende :

Ces femmes étaient membres des Forces Françaises Libres, comme Eugénie-Malika Djendi. Ici à Londres en 1944 en pleine Seconde Guerre Mondiale.

Comment des membres des Forces françaises libres (FFL) se promèneraient-elles dans Londres avec des chapelets de grenades britanniques type Mills à la ceinture sans être immédiatement interceptées par des services de sécurité ?

C’est manifestement confondre Petite et Grande-Bretagne, car la scène se passe début août 1944 à Guingamp qui vient d’être libérée par les Américains, en l’occurrence, par la Task Force A du général Earnest. Rassurez-vous, les roberrettes n’ont jamais eu l’occasion de  se servir de ces grenades : c’est juste un objet de décoration, du dernier chic féminin, et comme ce ne serait pas pratique de les porter en boucles d’oreilles, elles les ont mises à la ceinture.

Ah oui ! J’allais oublier de vous expliquer les roberrettes : ce sont les agents de liaisons [2] du sergent Jean Robert, un parachutiste du 2e SAS ou 4e RCP qui a sauté à Duault et s’est égaré le 12 juin 1944 dans la forêt lors d’une attaque allemande. Rattrapé par le résistant Jean Dathanat qui lui en donne l’ordre, il monte le superbe maquis de Coat-Mallouen près de Guingamp avec lever des couleurs, chants patriotiques, excellente ambiance à la cantine…  Mais des Allemands pas sympathiques, qui étaient toujours en train de traîner dans le coin avant d’être chassés par les Américains, lui ont bousillé son magnifique maquis le 27 juillet 1944.

La ceinture de grenades des roberrettes n’a pas manqué de me faire penser à la ceinture de bananes que portait la résistante Joséphine Baker [3] dans ses revues d’avant-guerre : mais c’était bien moins dangereux, bien plus comestible et tout aussi explosif !


[1] Paul Paillole, Services spéciaux 1939-1945 – Pour la première fois, l’ancien chef du contre-espionnage français parle, Robert Laffont, 1975. Sans index hominum dans ce livre, il est difficile d’être sûr qu’il n’en ait pas parlé, indirectement…

[2] Ou encore convoyeuses. Le débat sur la féminisation du nom agent  est loin d’être clos. L’écriture inclusive réglera peut-être la question : un.e agent.e

[3] Le père de l’auteur eut le privilège d’assister à un de ses spectacles immédiatement après le 8 mai 1945, quelque part près d’Ulm sur le Danube  …