Petite entreprise de nettoyage*

* allusion à un trait d’humour marxiste-léniniste d’Ismaël Dupont du « Chiffon rouge » à Morlaix qui n’a pas reçu que des félicitations de la part de l’instigatrice de la cabale …

Lettre ouverte

Le Parti communiste du Finistère n’a pas apprécié le sous-titre de mon dernier livre et a protesté contre la tenue de la conférence du 9 décembre 2023 à Quimper. Ce qui vaut de ma part une réponse en lettre ouverte à Yvonne Renairo du Parti communiste français à Quimper ainsi libellée :

Madame,

En protestant contre la tenue d’une conférence sur l’abbé Jean-Marie Perrot dont l’assassinat a été revendiqué par votre Parti, en particulier par le chef des Francs-tireurs partisans (FTP) du Finistère et le chef du maquis FTP de Scrignac, vous démontrez que votre parti et quelques affiliés qui ont relayé votre demande (Sections du Parti communiste, l’hermine rouge, le chiffon rouge…) ne vous êtes pas départis, en tentant d’interdire l’histoire, de vos tendances totalitaires incompatibles de la démocratie. Comme si vous représentiez une autorité morale ou comme si vous étiez dépositaire d’un quelconque pouvoir légal ou réglementaire, vous êtes allée jusqu’à sommer le préfet du Finistère de faire annuler cette conférence !

Comme le nazisme, le communisme est fondamentalement un totalitarisme concentrationnaire et génocidaire, une dictature. Malgré toutes leurs imperfections, je suis résolument partisan des démocraties parlementaires. Et nul n’est besoin d’adhérer à un Parti communiste pour être partisan du progrès social.

Ma position a été exprimée dans un droit de réponse publié dans le Télégramme que je vous rappelle en pièce jointe. Je porterai une précision sur les assassinats d’enfants par la Résistance que vous semblez découvrir :

  • Odette Baubion, âgée de 11 ans, assassinée le 11 mai 1944 à Toul Dous en Plévin par un « Bataillon Guy Môcquet » commandé par le responsable FTP du sud du département des Côtes-d’Armor, Jean Le Jeune,
  • Maurice Le Mené, âgé de 11 ans, assassiné le 10 juillet 1944 par des résistants d’un « 4e bataillon FFI » du Morbihan commandé par Paul Chenailler,
  • Pierre Le Dantec, âgé de 14 ans, assassiné le 30 mars 1944 à Mellionnec par des éléments à la dérive du premier maquis FTP de Bretagne alors sous la responsabilité du chef des FTP du Finistère Daniel Trellu.

Toutes précisions et détails dans mes livres avec les résultats d’enquêtes et les côtes d’archives. Vous pouvez aller consulter par vous-même ces dossiers désormais librement communicables depuis 2015.

Vous m’accusez de « salir la Résistance » : les faits sont les faits, ils sont propres ou ils sont sales. Je ne suis pas une entreprise de nettoyage, pas plus qu’une entreprise de salissage. Votre problème, c’est d’avoir « nettoyé », pas moi d’avoir « sali ».

Même s’ils ont vaguement été rattachés au Parti communiste, les morts ne vous appartiennent pas. Vous n’avez pas à parler en leurs noms, ils ne sont plus là pour vous contredire.

Yves Mervin


Après une soirée de beuveries à Mellionec, quatre maquisards du premier maquis FTP de Bretagne à la dérive se mettent en tête le 31 mars 1944 d’abattre un « Allemand » qui se cacherait chez une dame Le Dantec : il s’agit d’un « malgré nous » lorrain et non pas d’un Allemand ! Les abrutis se trompent de maison Le Dantec, montent à l’étage et tirent sur le jeune Pierre Le Dantec, 14 ans, qui, effrayé, se cache sous les draps… La procédure pour « homicide volontaire et vol qualifié » intentée à l’encontre de ces maquisards qui accumuleront les  mensonges se terminera par un non-lieu le 7 décembre 1949.

Des faits que le Parti communiste français en Bretagne et en particulier Yvonne Rainero à Quimper préfèrent occulter .


Droit de réponse

L’annonce de la conférence du 9 janvier 2023 à Quimper a suscité la réaction de la Libre Pensée des Côtes-d’Armor qui a entraîné dans son sillage l’ARAC (une association que j’ai découverte) et des associations « patriotiques » s’il faut en croire le journal le Télégramme du 7 décembre 2023 .

Si « Libre Pensée  » veut dire liberté de conscience, liberté de culte, liberté d’expression, liberté d’association… soit une allusion à la Charte des Nations Unies signée le 25 juin 1945 à San Francisco ou comme exprimé dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 à Paris, alors je ne pourrais qu’abonder. 

Mais « Libre Pensée » dans le cas d’espèce n’est qu’une revendication assez grossière d’un idéal humain pour avancer des orientations faciles à identifier : un anticléricalisme viscéral, contraire à la conception tolérante et apaisée de la laïcité qui est la mienne. Un anticléricalisme contre une religion, le christianisme et, plus particulièrement, le catholicisme et son église, pour ce qu’elle représenté par le passé plus que par ce qu’elle représente aujourd’hui. Je perçois l’anticléricalisme de la Libre Pensée comme une forme d’antisémitisme, envers non pas les Juifs, mais les chrétiens.

« Libre Pensée » pourrait aussi signifier qualité de la pensée, du raisonnement, une pertinence intellectuelle, un chef-d’oeuvre d’intelligence… Les communiqués de la « Libre Pensée » relatifs à l’abbé Jean Marie Perrot, taxé de « SS » alors qu’il a sans ambiguïté dénoncé le nazisme, désillusionnent assez rapidement sur les progrès de la pensée que l’on peut attendre de cette association.

Quant au passé de cette association pendant la Seconde Guerre mondiale, quelques éléments sur le site contreculture.

La Libre Pensée et consorts n’ont pas moins exigé du préfet du Finistère qu’il interdise la conférence. Soit la liberté de penser comme la Libre Pensée et pas autrement, interdiction d’aborder sereinement la vie de l’abbé Jean-Marie Perrot et son héritage, ce qui relèverait du « révisionnisme » selon les termes rapportés par le journaliste Régis Nescop dans un article paru dans Le Télégramme du 7 décembre 2023.

Le préfet du Finistère n’a pas donné suite aux objurgations des plaignants : il n’y avait d’autres risques à l’ordre public que ceux que Libre Pensée et consorts auraient été susceptibles de créer. Des plaignants qui ne représentent plus grand chose avec un Parti communiste qui survit encore un peu électoralement dans le Finistère.

La conférence a compté 93 participants y compris l’animateur et les conférenciers. Nous considérerons que dans l’assistance, un des participants était venu pour des raisons professionnelles plus que par intérêt pour le sujet. Il aura pu faire un compte-rendu des débats à ses collègues restés à l’extérieur.

Cette tempête dans un verre d’eau nous aura donné l’occasion d’un droit de réponse dans le journal Le Télégramme du 21 décembre 2023 :

Ci-dessous le texte :

L’article intitulé « 80 ans après sa mort, une conférence sur l’abbé Perrot fait polémique à Quimper » dans l’édition du 7 décembre du Télégramme cite mon nom et taxe mon dernier ouvrage « Jean-Marie Perrot – 12 décembre 1943, un crime communiste » de « révisionnisme » : ce livre n’a aucun caractère révisionniste, il se contente de révéler des faits.

Mes livres s’appuient sur des archives relatives à la Seconde Guerre mondiale qui sont devenues accessibles sous dérogation à partir de 2005 puis librement communicables pour le principal d’entre elles par décret du 24 décembre 2015. Il est désormais possible d’écrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à partir d’un très important corpus de documents quasiment inexploité, car il n’était pas jusqu’alors accessible aux historiens. Les faits révélés par ces documents sont plaisants ou déplaisants, mais ils sont les faits. L’ouverture de ces archives révèle des comportements répréhensibles et même criminels (assassinats, y compris de jeunes enfants, viols…) de la part de résistants dont la mémoire a pourtant été honorée pendant des décennies comme des libérateurs, mais dont les exploits sur le terrain ne sont pas avérés.

Dans mes livres, je dénonce les deux totalitarismes génocidaires du XXe siècle, le nazisme et le communisme, complices dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

J’exprime mon grand respect, parfois mon admiration et même mon amitié, envers les résistants qui se sont engagés pour la libération du territoire, au risque de leur vie, en combattant sans haine les Allemands, non pas leurs compatriotes, sans desseins politiques partisans tendant à la prise du pouvoir à la libération, mais pour restaurer un État de droit et une société fondée sur des valeurs humanistes. Parmi ces résistants, les nommés :

  • Georges Ollitrault, né en 1925, engagé en 1941 parmi les Francs-tireurs partisans (FTP) pour 3 ans de clandestinité. Brigade de sabotage puis maquis Tito, deux évasions, nombreuses opérations et combats contre les troupes d’occupation, un parcours exceptionnel dans la Résistance ;
  • Marcel Mervin, né en 1925, engagé en 1943 dans l’Organisation civile et militaire (OCM) puis chez les Francs-tireurs partisans (FTP). Engagé volontaire à la Libération dans la Première Armée française jusqu’au 8 mai 1945.

Suites de la conférence du 9 décembre 2023…

Les deux conférenciers autour du portrait de l’abbé Jean-Marie Perrot

La conférence organisée par le diocèse de Quimper-Léon et les associations Ar gedour et Mignoned Feiz-ha-Breiz en la chapelle Saint-Laurent à Quimper le 9 décembre dernier était modérée par le père Peter Breton.

Youenn Caouissin a retracé la vie de l’abbé Jean-Marie Perrot, son immense action et ses initiatives en faveur de la foi et de la culture bretonnes, ce dont il y aurait lieu de retenir de l’abbé plutôt que les seuls derniers instants de sa vie terrestre.

Quand bien même j’ai justement traité de cet aspect pour expliciter les circonstances et les motivations de son assassinat par le Parti communiste français (PCF), ce qui devrait clore les ambiguïtés qui subsistent, certaines ayant été savamment entretenues. Ces conclusions ne seront pas admises par tous, en particulier ceux qui rechignent à examiner leur héritage idéologique, mais ils sauront que d’autres ne sont pas dupes.

D’excellents comptes-rendus de cette conférence sur :

Et une interview sur Kernews.

Lors de la séance de questions-réponse qui à suivi, l’assistance a été émue par le témoignage d’une Scrignacienne âgée de 13 ans lors du désastreux bombardement britannique de Scrignac le 29 juillet 1944 demandé par le Parti communiste… Cette dame, avec qui d’aucuns cherchent à reprendre contact, a parlé avec beaucoup de conviction et d’émotion de l’abbé Jean-Marie Perrot de son charisme et de sa bonté.

Conférence sur l’abbé Jean-Marie Perrot – Quimper, samedi 9 décembre à 14 heures

Une conférence se tiendra samedi 9 décembre à 14 heures à Quimper en la chapelle Saint-Laurent. Cette conférence est organisée par le diocèse de Quimper-Léon et les associations Ar Gedour et Mignoned Feiz-ha-Breiz.

J’y prendrai la suite de Youenn Caouissin, auteur de deux livres sur l’abbé Jean-Marie Perrot qui traitera du parcours et de l’action de l’abbé. J’aborderai le contexte international dans lequel a évolué Jean-Marie Perrot et les oppositions qu’il a rencontrées jusqu’à la décision de son assassinat par le Parti Communiste en décembre 1943.

Jean-Marie Perrot – 12 décembre 1943, un crime communiste

Avec ce cinquième livre sur la Seconde Guerre mondiale en Bretagne, je reviens sur un événement marquant de cette période qui cristallise encore quelques passions. Aucune publication ne clôt définitivement les débats sur quelque sujet que ce soit, mais avec le temps qui passe et l’ouverture presque complète des archives, la présente version de l’événement ne pourra plus guère être contredite, sauf peut-être sur quelques détails.

Vous le trouverez dans les bonnes librairies et sur Coop Breizh.

Ci-après, les première et quatrième de couverture.

Bonne lecture.

Ida Franca et le bel canto

Dans un post précédent, nous vous avions affirmé que Yann Fouéré avait sauvé l’humanité : en voici quelques précisions.

Dans La patrie interdite[1], son autobiographie, Yann Fouéré déclare :

Le bruit de mes démarches finit par se répandre parmi ceux qui s’intéressaient au sort des réfugiés de toutes sortes et de toutes nationalités et de l’Europe de l’est et qui cherchaient à les aider … La plupart d’entre eux étaient des Juifs d’Europe de l’Europe centrale depuis des longs mois déjà, mais qui ne bénéficiaient pas de nationalité nouvelle ou du statut d’apatride et qui voulaient fuir une France menacée d’une même invasion dont avait déjà souffert leurs pays respectifs. Là encore, j’obtins un certain nombre de résultats positifs. Je réussis notamment à obtenir in extremis le visa de sortie d’un israélite, mari de la cantatrice italienne Ida Franca, qui fut assez heureux pour pouvoir prendre le dernier bateau de passagers pour Bordeaux.

En définitive, avons-nous eu raison de faire confiance à Yann Fouéré ?

Ida Reutlinger qui deviendra Ida Franca naît le 6 septembre 1892 de Theodor et Philippine Brunner, dans une famille juive autrichienne à Vienne. Du premier mariage en 1914 avec Paul Frankl, naît en 1916, une fille, Elfriede. Ida Franca se rend à Milan en 1927 pour devenir élève du baryton Mattia Battistini qui, en même temps qu’il mène une carrière internationale, a formé sa compagnie de chanteurs après la guerre de 1914-1918.

Le 12 mars 1938, l’Allemagne sous régime national-socialiste annexe l’Autriche, soit l’Anschluss. Les Juifs autrichiens sont dès lors directement menacés.

Sous la pression de la communauté juive américaine, le président Roosevelt propose le 24 mars 1938 de lancer une initiative internationale pour venir en aide aux actuels et futurs réfugiés juifs d’Autriche et d’Allemagne. Réunie du 6 au 16 juillet, la conférence d’Évian n’apporte pas de solution, la plupart des pays se montrant hostiles à l’accueil de réfugiés ou renvoyant à un improbable accueil en Afrique ou en Amérique du Sud. Les États-Unis eux-mêmes refusent d’augmenter leurs quotas d’immigration, alors que les accords de Munich du 30 septembre 1939 ouvrent la voie à de nouvelles annexions par l’Allemagne.

L’Anschluss est suivi par une vague de persécution des Juifs autrichiens. Débutant dès la soirée du 11 mars 1938, soit avant l’entrée des troupes allemandes et continuant au cours des jours suivants, les actions antisémites sont extrêmement violentes. L’aryanisation des biens juifs est mise en œuvre à grande échelle dès la mi-mai. Le 20 août 1938, le Bureau central d’émigration juive se met en place sous l’autorité d’Adolf Eichmann. Entre mars et novembre 1938, cinq mille Juifs parviennent à quitter l’Autriche, leurs biens sont confisqués et ils ne sont autorisés à prendre avec eux qu’une somme de vingt schillings. 128 000 Juifs autrichiens sont contraints de s’exiler et 65 459 autres seront victimes de la Shoah.

Dès mars-avril 1938 à Vienne : des Juifs forcés d’effacer des slogans en faveur de la souveraineté de l’Autriche (wikipedia).

A ce moment, Yann Fouéré en poste au ministère de l’Intérieur en France est aussi rédacteur de la revue Peuples et frontières et a de ce fait de nombreux contacts avec les minorités européennes. Dans sa revue, les Juifs d’Europe centrale sont une minorité parmi d’autres. Le Troisième Reich y est  qualifié d’État autoritaire, l’euphémisme est diplomatique.

Selon le témoignage ultérieur de Marie Aubert, le musicien et pianiste Rudolf Heller aurait été retenu prisonnier à Vichy : il y a plus vraisemblablement été assigné à résidence en tant qu’Aurichien et donc ressortissant d’un pays en guerre avec la France. Un décret du 2 mai 1938 prévoit en effet l’assignation à résidence, sous surveillance, des étrangers en situation irrégulière, puis un décret du 12 novembre 1938 prévoit l’internement administratif des étrangers indésirables dans des centres spéciaux où ils feront l’objet d’une surveillance permanente [2]. Ce qui est le fait de la Troisième République et non pas du futur gouvernement français sous occupation allemande qui viendra justement s’installer dans la ville de Vichy.

Rudolf Heller et Ida Franca, alors veuve et venue en France à Paris, se marient le 19 janvier 1940 à Vichy : par amour ? pour tenter d’échapper à une situation contraignante ? Pour quitter un pays menacé d’une future invasion allemande ? Il est difficile de répondre à cette question.  Mais c’est à ce moment qu’intervient Yann Fouéré alors en poste au ministère de l’Intérieur pour remettre un visa pour les États-Unis à Rudolf Heller et probablement aussi à Ida Franca.

Ida Franca arrive à New York le 27 mai 1940 en partant de Saint-Nazaire à bord du Champlain. Elle y retrouve son mari Rudolf Heller arrivé une semaine plus tôt. Le 1er juin, Ida Franca écrit immédiatement à son amie parisienne Marie Aubert qui tient un commerce de mode rue Royale à Paris :

Lettre d’Ida Franca à Marie Aubert – Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE)

Dans cette lettre, Ida Franca transmet ses salutations à leurs amis communs, Yann Fouéré et Madame.

Aux États-Unis, Ida Franca trouve un studio au Carnegie Hall, le studio 904. Passe alors la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la Libération en août 1944 avec l’arrivée des Américains suite au Débarquement.

Dès la fin de l’Occupation, Ida Franca s’enquiert de ce qu’il est advenu de Yann Fouéré et de sa femme ainsi que de leur amie commune, Marie Aubert. Ida Franca écrit immédiatement le 8 septembre 1944 à Yann Fouéré :

Courrier d’Ida Franca à Yann Fouéré du 8 septembre 1944 – Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE)

L’adresse est obsolète, mais Ida Franca obtient, apparemment de Marie Aubert avec qui elle a pu renouer le contact, une nouvelle adresse de Yann Fouéré, et cette fois, la carte postale arrive à destination.

Près d’un an plus tard, le 10 mai 1945, Marie Aubert écrit à Yann Fouéré :

J’avais promis à Madame Fouéré de vous envoyer par retour du courrier deux lettres que j’avais gardées tant je les trouvais belles. L’une d’elle disait entre autre : je vous dois, Madame, le plus grand bien que l’on puisse donner à un homme : la liberté. Cette lettre m’était envoyée en avril 40 par un prisonnier juif autrichien, dont la femme Madame Ida Franca, ma cliente était à Paris: juive elle même aussi, artiste lyrique qui, après avoir frappé à tant de portes sans résultat était au désespoir. J’eus l’idée de demander à Yann Fouéré s’il pouvait s’occuper d’eux, ce qu’il fit si vite et si bien, que trois semaines après, lui quittait son camp de prisonniers à Vichy et passeport en poche partait pour l’Amérique et une semaine plus tard, Madame Ida Franca, sa femme, partait à son tour de Paris. Vous verrez par sa lettre reçue ici qu’il était temps. Et aussi sa première lettre reçue ici après la libération !!! Je désespère de trouver ses lettres à lui, mais j’ai écrit à Madame Ida Franca de vous écrire elle-même pour vous le dire sous la foi du serment. Puisse sa lettre vous arriver assez à temps pour rendre la tâche plus facile, pour défendre la cause d’un homme qui a toujours aidé Juifs et Français à se sauver devant l’ennemi.

Yann Fouéré n’est pas seulement intervenu en faveur d’Ida Franca et de son mari : le 12 mai 1945, Charles Poggioli (1884-1959), membre de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, témoigne à propos de Yann Fouéré :

Monsieur Fouéré est venu à plusieurs reprises me voir au ministère de l’Intérieur (7ème bureau) pour intervenir en faveur d’un grand nombre d’israélites internés dans des Camps de concentration ressortissants à la compétence du 7ème bureau.

Ses interventions se situent dans les mois de septembre 1939 et mai 1940.

Je puis dire que grâce à sa persévérance et à son insistance plusieurs israélites et réfugiés politiques anti-nazi et anti-franquistes ont bénéficié de mesures de faveur .

Je ne me souviens pas du nom des personnes ayant fait l’objet de la sollicitude de Mr. Fouéré. Je n’occupais dans le service intéressé qu’un poste transitoire dans lequel j’avais été mobilisé. Toutes les fois que ma modeste contribution pouvait avoir quelque influence, je l’ai mise, volontiers, au services de Mr. Fouéré qui m’a paru être animé des meilleurs sentiments de patriotisme et d’humanité.

Courrier de Charles Poggioli à l’avocat  Alizon de Quimper – Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE)

Au sein du ministère de l’intérieur, Yann Fouéré est donc intervenu en faveur de nombreux réfugiés, pas seulement juifs, en particulier des Basques. Vers la fin de l’Occupation, en janvier 1944, Yann Fouéré agira énergiquement en faveur de la famille Mazéas alors arrêtée et internée à Saint-Brieuc puis au camp de Drancy d’où elle s’échappera miraculeusement [2].

En 1946, s’étant alors exilé en Irlande, Yann Fouéré, qui a dirigé le quotidien La Bretagne pendant l’Occupation et accusé de « Collaboration », est condamné par contumace, soit en son absence et par conséquent, sans défense. Il revient en Bretagne en 1955 et fait purger la contumace à ce moment : il est alors acquitté. En droit, il n’y a pas de condamnation, car le jugement de 1955 annihile purement et simplement celui de 1946 : en d’autres termes, Yann Fouéré n’a jamais été condamné.

Même la justice française de l’Epuration n’a pas condamné Yann Fouéré et, si tel avait été le cas, cela n’aurait pas une grande importance.

Yann Fouéré en exil en Irlande, où il a créé une entreprise de crustacés et de produits de la mer.

A New York, Ida Franca restera locataire jusqu’à la fin de sa vie du studio 904 au Carnegie Hall, la plus célèbre salle de spectacle au monde. Elle y sera professeur de chant. En 1959, elle publie un Manuel du Bel canto (Manual of bel canto) chez l’éditeur Coward-Mc Cann de New York. Elle décède dans cette ville le 15 Novembre 1987 à New York à l’âge de 95 ans. Son mari Rudolf Heller est alors décédé à Vienne en 1967 à 80 ans.

Avons-nous donc eu raison de faire confiance à Yann Fouéré ? La réponse est assurément affirmative : Yann Fouéré est toujours précis, tant dans ses souvenirs que dans la perception des faits et dans ses analyses.

Pour la rédaction de cet article, nous remercions :

  • mon correspondant américain George Lepre,
  • l’Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE),
  • le Carnegie Hall à New York,
  • la mairie et les archives municipales de Vichy,
  • les archives nationales autrichiennes,
  • les archives départementales de l’Allier,
  • le Jüdisches Museum Hohenems (Autriche).

[1] Yann Fouéré, La patrie interdite – Histoire d’un Breton, France Empire 1987, réédition Celtics Chadenn, 2003.

[2] Les archives départementales de l’Allier n’ont pu retrouver trace de Rudolf Heller dans les dossiers rattachés aux « Étrangers toute confession », comprenant le recensement, l’assignation à résidence et le mariage. Mais elles ont pu retrouver un contrat de mariage en date du 19 août 1939, précédent de 5 mois le mariage du 19 janvier 1940, qui indique que Rudolf Heller était autorisé à résider en France jusqu’au 10 janvier 1940 et Ida Franca jusqu’au 28 août 1940. Leur situation était donc précaire.

[3] Yves Mervin, Arthur et David – Bretons et Juifs sous l’Occupation, Yoran Embanner, 2011, pp. 108-113 (L’aryanisation des biens des Mazéas) et pp. 217-232 (L’arrestation des Mazéas).

Saint-Marcel, 18 juin 1944 – Enquête sur un désastre

Je remercie mes lecteurs qui ont bien voulu répondre à la souscription lancée en octobre 2020 dernier avec l’Institut de documentation bretonne européenne (IDBE). Le livre est désormais imprimé et commence à être diffusé dans les bonnes librairies. Vous pouvez aussi le commander auprès de l’IDBE et de Coop Breizh.

Ci-dessous, le sommaire du livre qui vous permettra d’en appréhender le contenu :

REMERCIEMENTS

AVANT-PROPOS

D’UNE GUERRE MONDIALE À L’AUTRE

  • Le Traité de Versailles
  • Le pacte germano-soviétique
  • L’Effondrement
  • La Révolution nationale et la Collaboration
  • Special Operations Executive (SOE)
  • Mission Cockle
  • Le réseau Action
  • A la Villa Firmin

LE SECOND FRONT

  • SHAEF
  • L’état-major des forces spéciales (SFHQ)
  • La France libre et communiste
  • Négociations
  • Les délégués militaires
  • Le Plan vert
  • Special Air Service (SAS)
  • Jedburgh George et Frederick
  • Alerte et déclenchement

OVERLORD

  • La nuit la plus courte
  • Le jour le plus long
  • Cooney Parties
  • Un sabotage peut en cacher un autre
  • J’irai revoir ma Normandie
  • Cessez le combat
  • The place to be
  • Hermann et Hauffmann
  • Samwest
  • Allons au bois de Saint-Bily
  • Allons observer l’observatoire
  • Embuscades à Sérent
  • Désordre de bataille

JOUR J + 12

  • Embuscade
  • Au bourg de Saint-Marcel
  • Bois-Joly
  • Sainte-Geneviève
  • Interrogations
  • Diversion brutale
  • Première reprise des combats
  • Hardys-Behelec
  • Au Pas-aux-biches
  • Apocalypse now
  • Deuxième reprise des combats
  • Sauve-qui-peut
  • Pas déclaré forfait
  • Le rapport allemand
  • Forces en présence
  • Pertes
  • Maquis mobilisateurs
  • Forces conventionnelles et forces spéciales
  • Victoire ou défaite ?

LA TRAQUE

  • Reconfiguration
  • Les hommes de confiance
  • Debriefing
  • Séparations
  • La Foliette
  • Les espionnes de Plumelec
  • Réunion de travail
  • Operation Lost
  • Les arrestations à Plumelec
  • Saffré
  • La guerre de l’organigramme
  • Quitte ou double
  • La rafle de Saint-Jean-Brévelay
  • L’évasion de Joseph Jégo
  • L’interrogatoire de Jean Pessis
  • Le Bohurel
  • A la deuxième écluse de Guillac
  • Troubles de voisinage
  • Le boucher de Guéhenno
  • Kerihuel
  • Les dépôts d’armes et de munitions
  • L’infirmerie
  • Grog
  • Evacuations

PERCÉE ET POURSUITE

  • La cavalerie américaine
  • ALOES
  • Utiles combats ?
  • La libération de Vannes
  • L’aérodrome de Vannes-Meucon
  • Il faut sauver le SAS Bourgoin
  • Reporting
  • Le débarquement en Bretagne n’aura pas lieu
  • Le nerf de la guerre
  • Compliments, reconnaissances et citations
  • Guerre civile ou guerre de libération ?
  • Atout ou handicap ?

AMNISTIE

  • Le retour de Stéphane Le Mené
  • Le tribunal de Vannes
  • Le Plan bleu
  • Le tribunal de Dijon
  • Le tribunal militaire de Paris

ANNEXES

  • Heures
  • Coordonnées géographiques
  • La répétition du Plan vert
  • Cooney Parties
  • Dernière minute…
  • Bibliographie
  • Abréviations et sigles
  • Illustrations : Cartes, Figures et Tableaux
  • Index
  • Table des matières
  • Blog

N’hésitez pas à compléter votre collection !

 

 

Handicap relatif. Handicap absolu ?

La question que j’ai posée lors du colloque « Ré-écrire l’histoire de l’Occupation en 2019 ? » organisé par l’association pour une Histoire scientifique et critique de l’Occupation (HSCO) à l’École nationale des Chartes, Paris le 25 septembre 2019, soit :

La Résistance armée : atout ou handicap pour la Libération ?

porte en elle l’idée selon laquelle, non seulement la Résistance pourrait ne pas avoir été un atout pour la libération, mais elle pourrait avoir été un handicap.


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L’intitulé même de la question ayant surpris, elle donne l’occasion de faire le point sur les réponses – partielles – qui ont été apportées jusqu’à présent.

Bilans d’actions

La contribution de la Résistance à la libération est généralement traitée sous la forme d’un bilan d’actions, plutôt exprimé en tant qu’actif (actions ayant abouti à un résultat positif) que passif (actions à résultat négatif).

Passons immédiatement à une thèse récente et assez osée : dans Les mythes de la Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, sous la direction de Jean Lopez et Olivier Wievorka, Jean-François Muracciole, traite, parmi quelques 23 autres, le mythe : La France a contribué à la victoire des Alliés. En résumé, tant la résistance intérieure que la Résistance extérieure, soient les Forces françaises libres (FFL), n’ont pas contribué à la victoire : elles n’ont  eu qu’un rôle négligeable, voire nul.

On ne peut que rejoindre Jean Lopez quand il déclare (minute 3:00 ci-dessous) : Avec ou sans la France, le Troisième Reich aurait été battu et les Américains auraient libéré la France.

Il y a cependant lieu, au moins en ce qui concerne la Bretagne, de préciser quelques points avancés par les auteurs, en particulier sur le sabotage et l’insurrection libératrice.

Le sabotage

La Résistance a pratiqué le sabotage, ce dont attestent le mieux les archives de la Wehrmacht. L’effet du sabotage est occasionnellement direct (quand le sabotage détruit le matériel militaire et fait des victimes parmi les Allemands), mais c’est plutôt un effet d’usure qui se constate dans la durée plutôt qu’immédiatement.

Le cas du Kampfgruppe Heintz (groupe de combat nommé selon son commandant) de la 275e division d’infanterie est largement mis en avant pour démontrer l’efficacité du sabotage par la Résistance. Jean Quellien, La bataille de Normandie – 80 jours en enfer, Taillandier, 2014, fait une description précise (pp. 86-87) des tribulations de ce Kampfgruppe pour arriver sur le front de Normandie  : ce qui résulte non seulement des sabotages de la Résistance, mais aussi des sabotages effectués par des Cooney Parties (des parachutistes SAS – Special Air Service – spécialisés dans le sabotage), du Transportation Plan (bombardement des gares se situant à des nœuds ferroviaires) ainsi que des attaques par les chasseurs-bombardiers alliés sur les trains circulant sur les voies.

Tous ces moyens n’empêchent pas les divisions allemandes d’arriver de Bretagne en Normandie. Dans le point de situation allié au 12 juin 1944 ci-dessous (carte plus large), la 275e division d’infanterie est bien présente vers le 12 juin 1944 (6 jours après le Débarquement, pas 17 jours après)  et les autres divisions (77 ID, 3 FSD, 265 ID…) y arrivent à leur tour. Le sabotage a donc bien retardé l’arrivée des renforts venant de Bretagne, mais ne les a pas empêché d’y arriver et de participer aux combats. Si ces renforts n’avaient pas été retardés, ils n’en seraient pas moins arrivés trop tard pour menacer le succès du Débarquement, ayant surtout mené des combats défensifs contre les Alliés.

Même avec des effets limités, le sabotage est à mettre à l’actif de la Résistance bretonne.

Incidemment, Jean-François Murraciole met en évidence que la lenteur [de la division Das Reich] à regagner le front de Normandie résulte moins du harcèlement des FFI que du temps passé à les réduire. Stationnée loin de la Normandie dans la région de Toulouse et Montauban, cette division à plus pour mission de contrecarrer un débarquement annexe sur la côte atlantique (Fortitude South) ou la Méditerranée. Elle se met en marche vers le nord de la France, pour la Normandie ou pour le Pas-de-Calais.

L’ « insurrection libératrice »

Jean-François Murraciole, Histoire de la Résistance en France, Presses universitaires de France, 2012, pp. 117-118, avance :

Partout où les FFI se sont heurtées seules et de front aux Allemands, leur déroute a été totale, issue qui n’est pas surprenante quand on se rappelle leur  immense dénuement matériel.

En particulier en Bretagne, non pas par manque d’armement, mais par manque de formation, d’encadrement et d’organisation. A propos des combats de Saint-Marcel du 18 juin 1944, Olivier Vieworka, Histoire de la Résistance 1939-1944, Perrin, 2013, p. 399, parle de demi-échec  : c’est mieux que de parler de victoire comme le revendique la résistance bretonne, de « victoire psychologique », succédané de victoire militaire, ou même de demi-victoire. Mais n’hésitons pas à parler, en termes militaires, soit de défaite : défaite sur le terrain et échec global de la stratégie SAS dans le contexte du Débarquement allié, au moins des « centres mobilisateurs ».

Harcelée par les Allemands pendant la bataille de Normandie et menacée d’être détruite complètement, la résistance ne devient pas un foudre de guerre à l’arrivée des Américains. Elle parvient à « libérer » des villes que les Allemands ont quittées et où les Américains ne passent pas. Les missions Jedburgh amortissent le choc culturel entre francs-tireurs et armée régulière américaine. Le summum revient à la mission Aloes – un état-major FFI annexe à l’état-major FFI à Londres – parachuté près de Saint-Brieuc –  qui n’a rien coordonné (selon un rapport britannique : order, counterorder and confusion).

En ce qui concerne la Bretagne (op. cit, p. 347), Jean-François Murraciole affirme : Après la percée d’Avranches, les FFI normands et bretons servent d’éclaireurs aux Américains qui pénètrent en Bretagne…  Mobiles, au contraire de la Résistance qui agit localement, les divisions blindées américaines assurent elles-mêmes le « scouting » lors de la poursuite.

Il n’y a donc pas eu de levée en masse au moment du Débarquement et pas plus d’insurrection libératrice à l’arrivée des Américains, autres formulations du mythe.

Conclusion

Si l’on considère les résultats à l’avenant des moyens engagés par les Britanniques, en l’occurrence, les moyens en hommes (parachutistes) armement et logistique aérienne, on peut parler de handicap relatif. Ce constat est aussi peu souhaité par les Britanniques (en l’occurrence, le SOE) que la Résistance, pas seulement bretonne.

Il reste à poursuivre par des analyses plus spécifiques sur les modes opératoires de la résistance qui n’est pas assimilable à une armée régulière et l’ambiguïté entre guerre de libération et guerre civile.

Le verdict pourra alors être sans appel.

 

Ayez une pensée pour les roberrettes !

Albert Algoud, humoriste sur France Inter, nous invite à avoir une pensée pour Eugénie-Malika Djendi, de se souvenir de l’engagement de cette jeune femme héroïque et son engagement courageux … trop rarement évoqué voire passé sous silence alors que leur combat pour vaincre le nazisme fut très important.

Eugénie-Malika Djendi et ses camarades étaient des merlinettes, soient des employées du général Lucien Merlin en Afrique du Nord à partir de 1941.  D’abord opératrices radio, certaines de ces merlinettes se sont engagées au sein du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action, soit les services secrets de la France libre).

Paul Paillole qui a proposé des missions de renseignements aux jeunes filles, sans leur cacher  l’extrême danger des missions à effectuer (elles étaient donc parfaitement averties et seules responsables des conséquences de leur choix ?),  déclarera : J’ai été le chef de ces valeureuses filles. Je les ai connues, encouragées, admirées et pleurées. Si ce n’est que dans son livre de souvenirs[1], il ne parle pas des merlinettes et n’explique pas comment le contre-espionnage allemand a pu intercepter Eugénie-Malika Djendi à peine deux jours après son parachutage. Albert Algoud nous donnera-t-il plus d’explications sur l’envoi de ces jeunes femmes dans des missions suicide ?

Ce qui ressemble fort aux déboires du Special Operations Executive (SOE) britanniques dont les sections F (France) et N (Nederlands) ont envoyé des dizaines d’agents directement dès l’atterrissage dans les griffes de l’Abwehr (service de renseignement de l’armée allemande) ou du Sicherheitsdienst (service de sécurité allemand), faute d’avoir respecté des règles élémentaires de sécurité.

Je n’ai pas de raisons particulières de vous parler des merlinettes, si ce n’est que je trouve bizarre d’illustrer ce sujet par une photographie des roberrettes avec la légende :

Ces femmes étaient membres des Forces Françaises Libres, comme Eugénie-Malika Djendi. Ici à Londres en 1944 en pleine Seconde Guerre Mondiale.

Comment des membres des Forces françaises libres (FFL) se promèneraient-elles dans Londres avec des chapelets de grenades britanniques type Mills à la ceinture sans être immédiatement interceptées par des services de sécurité ?

C’est manifestement confondre Petite et Grande-Bretagne, car la scène se passe début août 1944 à Guingamp qui vient d’être libérée par les Américains, en l’occurrence, par la Task Force A du général Earnest. Rassurez-vous, les roberrettes n’ont jamais eu l’occasion de  se servir de ces grenades : c’est juste un objet de décoration, du dernier chic féminin, et comme ce ne serait pas pratique de les porter en boucles d’oreilles, elles les ont mises à la ceinture.

Ah oui ! J’allais oublier de vous expliquer les roberrettes : ce sont les agents de liaisons [2] du sergent Jean Robert, un parachutiste du 2e SAS ou 4e RCP qui a sauté à Duault et s’est égaré le 12 juin 1944 dans la forêt lors d’une attaque allemande. Rattrapé par le résistant Jean Dathanat qui lui en donne l’ordre, il monte le superbe maquis de Coat-Mallouen près de Guingamp avec lever des couleurs, chants patriotiques, excellente ambiance à la cantine…  Mais des Allemands pas sympathiques, qui étaient toujours en train de traîner dans le coin avant d’être chassés par les Américains, lui ont bousillé son magnifique maquis le 27 juillet 1944.

La ceinture de grenades des roberrettes n’a pas manqué de me faire penser à la ceinture de bananes que portait la résistante Joséphine Baker [3] dans ses revues d’avant-guerre : mais c’était bien moins dangereux, bien plus comestible et tout aussi explosif !


[1] Paul Paillole, Services spéciaux 1939-1945 – Pour la première fois, l’ancien chef du contre-espionnage français parle, Robert Laffont, 1975. Sans index hominum dans ce livre, il est difficile d’être sûr qu’il n’en ait pas parlé, indirectement…

[2] Ou encore convoyeuses. Le débat sur la féminisation du nom agent  est loin d’être clos. L’écriture inclusive réglera peut-être la question : un.e agent.e

[3] Le père de l’auteur eut le privilège d’assister à un de ses spectacles immédiatement après le 8 mai 1945, quelque part près d’Ulm sur le Danube  …

La résistance armée : atout ou handicap … ?

J’ai le plaisir de vous faire part d’un colloque organisé par l’association HSCO, pour une Histoire scientifique et critique de l’Occupation. Ce colloque s’intitule :

Ré-écrire l’histoire de l’Occupation en 2019 ?

et se tiendra le mercredi 25 septembre 2019 à l’École Nationale des Chartes, 65 rue de Richelieu 75002 Paris. En voici le prospectus (ou flyer si vous préférez) :

J’interviendrai donc sur le thème :

La résistance armée : atout ou handicap pour la Libération ?

L’exemple de la Bretagne

Voici la présentation de mon intervention :

La mission et l’objectif de la Résistance étaient de mettre fin à l’Occupation et de libérer le territoire. Pour certains, de créer les conditions d’un renouveau après la Libération. Si la Libération s’est bien produite à partir de l’été 1944, la Résistance ne peut revendiquer pour elle seule le mérite de cet événement d’une immense portée historique, qui précède la fin même de la guerre : le mérite principal en revient manifestement aux Alliés, Américains et Britanniques.

Les analyses des grandes opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale associent rarement et négligent même souvent la Résistance, surtout sur le front ouest. Ce qui tient à son mode opératoire, qui ressort au mieux des forces spéciales, mais plutôt d’une armée irrégulière. Et ce qui ne se prête pas à des opérations fortement coordonnées avec des forces conventionnelles.

La Résistance a suscité et suscite toujours de nombreuses études et publications, désormais, avec l’ouverture de la plupart des archives. Les études à caractère militaire, plus rares que les études à caractère politique, l’abordent avec ses spécificités et répondent le plus souvent à la question : quel a été le niveau d’efficacité de la résistance ? Plutôt que : la résistance a-t-elle été un atout ou un handicap pour la libération ? question plus ouverte et sans a-priori positif ou négatif, à traiter de préférence selon les seuls aspects militaires, en évitant la dimension politique.

Se poser ainsi la question nécessite de préciser la méthode d’analyse et d’adopter une approche comparative. Par exemple :

  • la neutralisation du réseau ferroviaire pour empêcher les renforts allemands de rejoindre le front de Normandie : le sabotage par la résistance était-il plus efficace que les attaques aériennes des Alliés ?
  • les  libérations des villes : résultent-elles des combats de la Résistance et / ou de celle des Alliés ?

Autant que possible, la démarche sera quantifiée. Quelques tendances pourront être esquissées, en prenant l’exemple de la Bretagne.

Le plan de l’exposé :

  1.     Introduction, portée et enjeu de la question
  2.     Méthodologie
  3.     Principales opérations
  4.     Bilans
  5.     Conclusion

Yves Mervin